La peur de subir des représailles pousse des victimes d’agression en banlieue à se morfondre dans le silence. A Thiaroye, l’omerta fait l’affaire des malfaiteurs qui s’en prennent parfois à leurs voisins. Un silence qui désole la police.
Pendant plus d’un mois, on avait assisté à une recrudescence du phénomène des agressions à Thiaroye. Quelques jours plus tard, c’est l’accalmie qui est notée dans cette banlieue dakaroise, au grand bonheur des populations qui croyaient en avoir fini avec les histoires de violence. Que non. La semaine dernière, une jeune fille a fait l’objet d’agression de la part de jeunes qui l’ont dépouillée de deux téléphones portables et de son argent. Tout le monde craint que ses agresseurs ne soient parmi les jeunes du quartier. Selon les déclarations de la victime répondant au nom de Binetou Ciss, il s’agit d’un groupe de jeunes qui l’a interceptée sur un ton galant. « Sister, s’il vous plaît », lui ont-ils dit. « Je m’attendais à tout sauf qu’ils soient des agresseurs, car ils avaient l’air de s’intéresser à moi », poursuit la fille. Sans la moindre appréhension, Binetou Ciss s’arrêta un instant, permettant au groupe de s’approcher. L’adolescent qui l’accompagnait la devança d’une vingtaine de mètres.
Contre toute attente, le premier venu du groupe arracha subitement le téléphone portable qu’elle tenait à la main avant de prendre ses jambes à son cou. « Je compris alors que j’avais affaire à des hors-la-loi », poursuit-elle. Avant qu’elle n’eût le temps de crier, les autres lui tombèrent dessus. Maîtrisée, Binetou Ciss n’eut d’autre alternative que de se laisser faire. « J’ai crû un instant qu’ils allaient me violer », craignait-elle. Heureusement, ils avaient juste emporté les 7.500 francs Cfa qu’elle détenait ainsi qu’un autre téléphone portable qui ne lui appartenait pas. Une fois leur forfait accompli, les éléments du groupe prirent la direction d’une maison inondée. « Je les ai suivis sur une bonne distance, bien que sois seule, car, à cet instant précis, j’avais même oublié que j’étais en compagnie d’un homme », réagit la victime. Elle précise que « c’est après avoir complètement perdu de vue mes agresseurs que quelqu’un que j’ai rencontré me fit savoir que ces jeunes habitent dans les maisons environnantes ».
Peur de représailles
Sur place, la jeune fille est encore restée pendant des minutes dans l’espoir de voir un des membres de ce gang ressortir. C’est à cet instant précis que quelqu’un qui passait lui dit avoir vu un jour un groupe d’individus entrer en courant dans une des maisons avoisinantes. En effet, des investigations menées par la même fille aboutissent à la thèse selon laquelle les agresseurs qui écument le quartier sont des jeunes de la localité.
Cette affirmation est partagée par beaucoup de personnes vivant dans le même quartier. « Nous les connaissons tous, mais le problème est que personne n’ose les démasquer par crainte de représailles », peste la vieille Ndèye Thiam. « Ce qui est inadmissible, c’est le laxisme dont font preuve ceux qui se permettent d’héberger ces jeunes hommes », s’emporte un autre adulte. C’est dans ce contexte que nous dûmes nous rapprocher d’une maison étiquetée, à tort ou à raison, « repaire de malfrats ». La responsable, une septuagénaire, apparemment très sérieuse dans ses déclarations, croit savoir que ceux qui la présentent comme une protectrice de malfrats ne font que casser du sucre sur son dos. Cependant, dans ce même sillage, nous sommes allés à la rencontre d’un responsable de la force publique qui a préféré réagir sous le couvert de l’anonymat. Ce dernier reste convaincu qu’en adoptant cette attitude de passivité, des populations font preuve de complicité vis-à-vis des agresseurs qu’ils ne dénoncent jamais. Au grand dam de leur propre sécurité et au bonheur de leurs voisins.
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