Sexualité : Quand le silence des parents devient un danger

Le modernisme a largement contribué à un changement des mœurs au Sénégal. Même si la sexualité a toujours été un sujet tabou, la donne doit aujourd’hui changer. En effet, de plus en plus les jeunes entretiennent des relations charnelles précoces. Le danger réside dans le fait que les parents, en s’obstinant de ne pas parler de sexe avec leurs enfants les obligent à se tourner sur l’Internet. Une source d’information encore beaucoup plus dangereux que le silence des parents. 

Le sujet est presque tabou et trouver quelqu’un pour en parler en toute liberté relève d’un véritable parcours du combattant : la sexualité de plus en plus précoce des jeunes. Cette situation s’explique sans doute par cette éducation reçue de nos parents qui considèrent que tout ce qui a trait au sexe est sujet tabou et qu’il ne faut pas l’exposer devant les enfants. Et pourtant, la réalité semble bien changer. En effet, si autrefois il était possible de passer sous silence le sexe, aujourd’hui, tel n’est plus le cas car le sexe est omniprésent dans la société sénégalaise. Oumar a connu sa première expérience sexuelle à l’âge de 15 ans, alors que le sexe ne signifiait pas grand-chose pour lui. «Pour dire la vérité, je crois que j’ai été abusé car la femme avec qui j’ai eu mes premiers rapports était mon aînée de plus de 7 ans». Une relation qui en dit long sur les capacités des uns et des autres à dépasser la ligne interdite. Badou la cinquantaine, les cheveux grisonnants, aborde le sujet avec une grande gêne. Le sexe a toujours été un sujet tabou dans sa famille et cette façon de voir, Badou continu à le cultiver avec ses deux filles de 15 ans et de 18 ans. «Je ne pense pas qu’on soit obligé de parler de ces choses à ses enfants. Moi j’ai reçu une éducation très religieuse et je m’efforce tant bien que mal à inculquer mes valeurs religieuses à mes filles même si on ne peut pas tout prévoir». Badou ne semble pas mesurer les dangers liés à l’influence de la rue sur ses filles, mais surtout de leurs camarades de classe. Ce sentiment de gêne à parler de la sexualité avec ses filles peut avoir des conséquences désastreuses sur ses enfants. Dans un lycée de la place, des jeunes filles assises sur un banc discutent d’une série télévisée. À la question de savoir qu’est ce qu’elles pensent du fait que certains estiment que les jeunes d’aujourd’hui entretiennent des rapports sexuels très tôt, à un âge précoce, elles se braquent. Néanmoins Aminata en classe de seconde pense que «cette situation est due au fait que tout ce que nos parents refusent de nous dire, nous le découvrons sur le Net. Il nous arrive d’entretenir des relations amoureuses virtuelles avec des gens rencontrés sur le Net mais c’est souvent des relations lointaines. Certaines filles et garçons aussi vont souvent dans des sites pornographiques ou alors, on s’échange des revues exotiques». Anta, elle nous confesse qu’elle a déjà connu sa première relation à l’âge de 15 ans, et ce ne sera certainement pas la dernière. Pour une fille de son âge (20 ans), elle n’a pas froid aux yeux et sa tenue vestimentaire qui met e exergue aussi bien sa poitrine que ses longues jambes, fait penser qu’elle est une fille qui ne soucie nullement du qu’en dira t-on. Pour elle, chaque personne est libre de vivre sa sexualité. «Ma première expérience sexuelle, je l’ai eu lors d’une sortie de classe en 2004 avec un copain qui était en terminal. Pourquoi je l’ai fais? Je ne sais pas, mais ce qui est sûr, c’est que je ne l’ai pas regretté. Pourtant jusqu'à présent mes parents pensent que je suis toujours vierge. À la maison même pour des embrassades, mon père éteint la télé sans jamais rien nous expliquer». Ifra lui s’est marié à l’âge de 17 ans, mais déjà à 12 ans il avait connu sa première relation. «Chez nous les Hal Pulaar on se marie très jeunes, c’est justement pour éviter aussi bien aux filles qu’aux garçons, de se laisser aller aux plaisirs du sexe. Un parent Hal Pulaar ne parlera jamais de sexe avec sa fille ou son fils. C’est un sujet interdit même entre frères, il est difficile d’en parler. Nous avons été éduqué en dehors du sexe. Mais aujourd’hui, de plus en plus les jeunes voyagent et vont à l’école pour découvrir des choses qu’ils n’avaient jamais pensé pouvoir voir ou entendre un jour. Notre monde a beaucoup évolué». Ainsi, le sexe sujet tabou pour la plupart des enfants, est en train de s’inviter dans la vie quotidienne des Sénégalais. Autant certains parents refusent à parler de ce sujet avec leurs fils, autant ces derniers s’informent sur le Net. Un danger réel pour ces jeunes qui sont livrés à eux-mêmes, face à des maniaques sexuels dont la seule occupation est de trouver des cibles faciles sur le Net. Tout cela devrait pousser les parents à s’ouvrir à leurs enfants concernant la sexualité mais aussi que l’éducation sexuelle soit enseignée au niveau des écoles primaires, pour permettre aux enfants de trouver des réponses aux nombreuses questions qu’ils se posent et que les parents éprouvent des difficultés d’en parler.