Comme une histoire sans fin qui recommencerait en boucle, le parcours des Lions de la Véranda est fait de répétitions. Entre deux coupes d’Afrique, encore une fois, le Sénégal a compté sur son équipe pour oublier les affres du quotidien qui devient de plus en plus difficile. Voilà, c’est fini ! Comme ils nous ont habitués maintenant, les Lions de la Veranda ont fait un petit tour. Et s’en sont allés, par la petite porte. « Ainsi font font font, les petites marionettes […] Ainsi font font font, trois p’tits tours et puis s’en vont ». C’est à croire que cette chanson avait été écrite pour eux. Ou en tous les cas, le moment se présente opportunément pour qu’elle puisse être chantée, sans fausse note et ni sortie de gamme.
Une véranda est une galerie généralement étable sur la façade d’une maison. Nos lions, étaient, tout au long du tournoi, comme qui dirait à la façade d’un stade, comme des gamins en ligne, se passant un ballon en courant jusqu’au bout et retour. Un aficionado m’a enseignée que le football est une science et que la passe est un grand secret : Offrir, donner, transmettre, adresser, chercher l’autre pour cadrer. Passer à l’instant précis, au dernier moment, juste à l’instant. Le jeu de pieds ne va qu’avec son risque, sa dette, sa perte. Rater une passe fait aussi partie de la passe. Mais je m’égare sur le gazon maudit de Kumasi….
Dans ce tournoi africain, en ce qui concerne l’équipe des Lions à la crinière rasée, rien ne se sera passé tout à fait nous l’avaient promis ceux qui étaient en « droit » de le faire. Déjà, avant leur départ pour le Ghana, avant la remise du drapeau national, une sombre histoire de costumes, de cravates et de boutons de manchettes avait été portée à la connaissance du public. Pour aller en Coupe d’Afrique, n’aurait t-il pas été plus original de leur faire tailler et arborer des tenues traditionnelles ? Puis, il y a eu le désormais ancien coach qui avait pour objectif d’aller en quarts de finale. Il s’est ravisé (sous la pression ?) pour pousser l’objectif un peu plus loin. Les joueurs eux-mêmes, après leurs frasques qui inondent les colonnes des journaux, s’étaient bombé la poitrine en promettant un bon tournoi. Peut-être n’avaient-ils pas pensé au gazon…maudit ? Le président de la Fédération qui apparemment fait plus confiance aux marabouts qu’aux talents et à la technique des uns et des autres, a « embauché » à tout va, des marabouts et devins, transportés, logés, nourris et blanchis et dont les prédications se sont révélées toutes fausses. Tout cela nous rappelle à quel point e football est laid quand il est joué hors des terrains. A la veille du match contre l’Angola, il avait déclaré urbi et orbi, que les Lions ne feraient qu’une bouchée des Palancas Negras, qui tomberaient comme des cailles rôties dans la gueule des Lions. On sait ce qui en est advenu. Les Angolais ont été une superbe équipe qui s’est défoncée avec hargne et beaucoup de vergogne pour en découdre. Triste fin de parcours pour des Lions édentés qui n’ont pas eu l’heur de croquer aucun os.
Alors que le Sénégal du football, le Sénégal tout court a la gueule de bois, ils rentreront au pays, footballeurs, encadrement, sorciers et sorcière, contents. Ils pourront donc continuer à serrer les paluches et remettre des trophées, à diriger des instances et prédire l’avenir. Bien sûr, ne changeons rien, continuons comme cela. Admirable, cette propension à minimiser ses responsabilités dans l’échec.
L’échec de l’équipe nationale, et de notre entraîneur est criant. Nous nous sentons d’autant plus libre de le souligner que, tout au long des phases préparatoires, beaucoup n’ont cessé de dénoncer les impasses dans lesquelles le football sénégalais se trouve : improvisation permanente, absence de stratégie de jeu, choix contestables des hommes, erreurs tactiques, médiocre qualité dans la gestion des joueurs... Le tout accompagné d’un comportement détestable vis-à-vis de ceux qui osent porter la moindre contradiction.
Les seuls moments de bonheur ont été de voir jouer de courageuses équipes adverses. On leur doit les plus belles rencontres de la compétition, pleines d’émotions et de générosité.
Avant le match d’hier, quelques illusionnistes ont voulu nous faire croire au miracle. Un miracle : « acte qui déroge aux lois naturelles et qui est attribuée à une (des) puissance(s) divine(s). Nous, on dira comme Descombes : « le mythe nous renseigne que c’est le rationnel qui est miraculeux ».
Troubles auditifs provoqués par tout le charivari que provoque l’équipe nationale de football, fortes migraines sans doute dues aux raclées prises pendant les phases préparatoires et les matches amicaux, cauchemars peuplés de buts encaissés depuis le début de la Coupe d’Afrique 2008, et dans les phases les plus aigües, crises de nerfs déclenchées par les frasques des Lions dans les boites de nuit de Dakar et d’ailleurs… Si vous sentez ces symptômes, vous êtes atteint de « Liondelatérangaphobie ». Même les plus fervents défenseurs n’arrivent plus à cacher leurs allergies qui se déclarent.
Les joueurs tunisiens du premier match, les bourreaux angolais du deuxième et les Sud-Africains d’hier se dressent encore devant nous et nous rappellent notre indigence. Notre Coupe d’Afrique s’est terminée en eau de boudin que nous boirons jusqu’à la lie, en restant ébaudis par tant de réussite des équipes qui iront au deuxième tour. Au point où nous en sommes, me direz-vous, une humiliation de plus ou de moins… Pour consoler nos cœurs brisés et pour entretenir la légende du football, quand nos Lions tomberont de sommeil, il nous restera le souvenir du match France-Sénégal de 2002. Dans les salons des maisons, les cafés, les restaurants, les terrasses et les vérandas, chaque fois qu’un match sera retransmis, il y aura toujours les mêmes images de ces yeux braqués comme des phares vers la pelouse cathodique. Et dans la mémoire de tous, ce fameux match, ce miracle que notre imprévisibilité a rendu possible.
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