GERARD DREYFUS CHRONIQUEUR SPORTIF A RFI «Kasperzack est un bon choix pour le Sénégal »

L'éminent chroniqueur sportif de Rfi, Gerard Dreyfus, joint hier au téléphone, fait parler encore une fois son expertise. Objectif dans sa démarche, il fait un diagnostic sans complaisance du football sénégalais dans son ensemble. Selon lui, le problème du football africain en général, c'est d'abord la direction technique nationale. Il déplore également l'éternel recommencement des Africains malgré le passage des entraîneurs étrangers avec des salaires faramineux. Gérard Dreyfus estime qu'il faut faire davantage confiance aux entraîneurs locaux. Toutefois, il trouve bon le choix qui pourrait être porté sur Henri Kasperzack pour diriger les « Lions ». Entretien

Quel entraîneur pour l'équipe nationale du Sénégal ?

J'ai appris par la presse sénégalaise que Henri Kasperzack serait en passe de devenir l'entraîneur de l'équipe nationale du Sénégal. C'est un très bon choix pour les «Lions» du Sénégal. C'est un homme rigoureux qui apporterait beaucoup de discipline au groupe, en plus de toute sa compétence. N'oubliez pas qu'il a été un très grand joueur. Il a disputé la coupe du monde avant de devenir entraîneur. Je l'ai apprécié quand il était en Tunisie et puis, lors de la Can 2002 lorsqu'il dirigeait l'équipe du Mali. Cette équipe a été une des meilleures. Avec un peu de réussite, elle aurait été jusqu'en finale. Humainement, c'est un monsieur très bien, très sérieux, un peu introverti. Sur le terrain, il est en mesure d'apporter beaucoup à une équipe du Sénégal qui est encore en train de vivre sur son passé et qui doit regarder l'avenir. Ce serait de mon point de vue un très bon choix. C'est un des meilleurs entraîneurs ayant dirigé une équipe nationale en Afrique. On l'a vu en Côte d'Ivoire en Tunisie et au Mali.

Quelle lecture faites-vous du football sénégalais ?

Le football sénégalais on l'a vu ces dernières années, a peut-être cru trop rapidement qu'il était installé pour longtemps au sommet, après les années glorieuses de 2002, la finale de la Can, la place de quart de finaliste à la coupe du monde. Il n'a pas pu prendre en compte les réalités du football. Le plus difficile, tout le monde le sait, c'est de se maintenir au sommet. Ce ne sont pas les joueurs de qualité qui font défaut. Le Sénégal est l'un des plus forts bastions africains si l'on considère le nombre de joueurs qui évoluent dans les clubs professionnels en Europe. Il faut simplement remettre un peu d'ordre et de discipline au sein de l'équipe. Et se fixer des objectifs. On sait très bien que l'objectif prioritaire pour les grands pays d'Afrique c'est la coupe du monde 2010 en Afrique du Sud. Il ne faut pas désespérer. Le talent est là. Je pense qu'il faut remettre simplement de l'ordre dans les esprits et se dire qu'il faut se battre tous les jours pour se maintenir au sommet. La situation n'est pas catastrophique pour ce football.

Outre la discipline, qu'est-ce qu'il faut à l'équipe nationale du Sénégal ?

L'équipe du Sénégal a simplement péché par excès de confiance. Avant les éliminatoires de la coupe du monde 2006, elle a péché par manque d'humilité. Elle a été trop orgueilleuse. Les joueurs pensaient que jusqu'à la fin de leur carrière, ils se maintiendraient au sommet. D'autres, ont appris à leurs dépens qu'il faut travailler en permanence et surtout travailler collectivement. J'ai l'impression que c'est ce qui manquait dans cette équipe.

Ne trouvez-vous pas aberrant qu'une équipe nationale comme celle du Sénégal puisse rester aussi longtemps sans avoir d'entraîneur ?

Ce qui manque le plus en général en Afrique ce n'est pas un entraîneur. Le problème du football africain c'est d'abord la direction technique nationale. C'est la priorité des priorités. Il faut définir un organigramme, et des objectifs précis. C'est la Dtn qui est le poumon. Elle donne l'orientation du football national pour les années à venir et il faut une organisation. Malheureusement, en Afrique on ne pense qu'à l'équipe nationale et à lui trouver un entraîneur. Je ne pense pas que ce soit là une bonne manière de travailler. Il faut impérativement structurer le football et durablement. On ne doit pas changer de Dtn tout le temps. Il faut un travail en profondeur avant d'arriver à des résultats. Il faut qu'en Afrique, on pense au long terme. Malheureusement, on pense toujours à l'immédiat. Six mois au maximum. On ne se soucie de l'équipe nationale qu'au moment où elle va aborder des compétitions. Il faut laisser du temps aux uns et aux autres, sans se soucier du résultat immédiat. Ce n'est pas de la réussite ou de l'échec que doit dépendre la vie ou la survie d'un entraîneur. Il faut travailler sur le long terme surtout avec une équipe nationale dont la presque totalité des joueurs évoluent à l'étranger. Autrefois, quand on préparait une équipe pour aller à la coupe du monde on le faisait pendant trois mois mais aujourd'hui c'est impossible. Et c'est pareil pour les matches éliminatoires. Il faut un entraîneur qui puisse avoir des réseaux en Europe pour surveiller les joueurs en permanence dans leurs performances. C'est tout un système à mettre en place et il faut définir le rôle précis de la direction technique nationale.

Malheureusement au Sénégal la Dtn n'est associée à rien, même pas au choix de l'entraîneur national …

Au Mali qui est confronté aux mêmes soucis que le Sénégal, la fédération a désigné quatre hommes avec une hiérarchie précise, qui proposent une liste au ministère qui tranchera parce que c'est lui qui paie. Difficile de faire autrement. Dans l'absolu, c'est la fédération qui devrait désigner son entraîneur à partir de critères objectifs mais comme elle n'a pas les moyens de payer, il est difficile de se passer de l'avis des autorités gouvernementales.